Critique du livre "Je pense trop"

Ce sujet n’a rien a voir avec le thème de ce blog mais je tenais quand même à le publier quelques part car on vois de plus en plus se multiplier à travers des livres, blogs et forums le thème très en vogue ‟vous êtes surdoué/spécial”, sans aucune auto-critique et quasiment aucune critique. En faites si l’on cherche bien les critiques et contre-arguments existe bel et bien, mais noyés dans la masse de toute cette vague ils sont quasiment invisible.
Je voulais donc apporté ma maigre contribution à cet effort (peut’être vain) de contre-balancement.

Avant d’en arriver au livre lui-même (ou PDF c’est pareil maintenant !) je dois dire qu’il y a une douzaine d’année, lorsque toute cette thématique a commencer à se répandre sur internet, j’avais déjà parcourus, un peu en diagonal, quelques blogs et forums à propos de ‟zèbre”, ‟surefficients”, ‟neuro-droitier” et compagnie. J’en avais gardé l’impression qu’il s’agissait principalement de gens ressentant le besoin de dire ‟moi je suis pas comme tout le monde !”.
Hors l’impression et l’envie d’être unique est un point commun que nous partageons avec le restant de l’humanité.
Il m’a semblais que tout ça était plus une histoire d’Ego qu’une réelle différence de catégorie de fonctionnement.
Une dizaine d’année plus tard, c’est un psychiatre qui m’a conseillé de lire ‟Je pense trop”. Psychiatre, donc diplômé et tout, j’ai peut’être jugé un peu vite ?! Je l’ai donc lus en essayant d’être objectif et ouvert.
Mais non, toujours pas. Surtout après avoir lu ce livre !
La démarche du bouquin peux se résumer ainsi ‟vous êtes exceptionnel et bien haut dessus de la moyenne !”.

Dés le départ l’auteur amalgame tous les termes déjà existant pour créer une catégorie unique : le zèbre surefficient hypersensible hyperémotif neuro-droitier surdoué à haut potentiel intellectuel avec une pensée en arborescence et synesthéte.
Première remarque qui semblera évidente ce n’est pas parce que l’on est hypersensible que l’on est synesthéte, et inversement, ce n’est pas non-plus parce que l’on est synesthéte que l’on est surdoué, et inversement, etc ...
En amalgamant le tout ça lui permet de ratisser large.

Dés la fin du premier chapitre elle dira systématiquement ‟vous fonctionnez ainsi”. La possibilité que l’on ‟pense trop” en étant autrement n’est pas même évoquer, c’est impossible.
On pourrait par exemple imaginer que quelqu’un d’anxieux, sujets à des ruminations incessantes, se reconnaisse dans le titre ‟je pense trop”. Apparemment pour elle non. Si vous avez ouvert ce livre c’est que vous êtes forcément un zébre surefficient hypersensible hyperémotif neuro-droitier surdoué à haut potentiel intellectuel avec une pensée en arborescence et synesthéte.

Les notions de pensée en arborescence et de neuro-droitier sont copieusement reprises tout au long du livre.
Si l’on cherche un peu les études à ce sujet il apparaît qu’il y en a assez peu, et que le peu qu’il y est semble plutôt contredire toute cette mouvance.
La notion de neurodroitier/gaucher était d’abord apparus par rapport au langage (fin des années 1990). C’est à dire que si un sujet utilisait plutôt l’hémisphère gauche lorsqu’il parlait il était désigné de ‟neuro-gaucher”. Mais depuis les neuroscientifiques sont revenus sur ces notions. Notamment parce qu’un ‟neuro-gaucher du langage” peut être un ‟neuro-droitier du calcul” et redevenir ‟neuro-gaucher” pour la lecture etc. La prévalence d’un hémisphère ne dépends pas seulement de la personne mais également de l’activité qu’elle effectue. Et d’après les études personnes n’aurait clairement de prévalence pour l’un ou l’autre. La différence de fonctionnement et le type de pensée que fournisse ces deux hémisphères est encore mal comprise et étudié.
Si les neuroscientifiques avaient esquissé l’hypothèse ‟neurodroitier/gaucher” dans un premier temps ils sont depuis revenus dessus et avoue leur ignorance.
Utilisé cette ancienne hypothèse et ses extrapolations comme elle le fait, comme-ci c’était un fait avéré et lui attribué tout ce qui lui plaira n’est absolument pas scientifique.

Autre notion contestable est pourtant massivement reprise : la pensée en arborescence. Déjà contestable du fait qu’elle la lie à la notion de neuro-droitier.
Le fait qu’une pensée en appel plusieurs autres n’a rien d’exceptionnel. L’imagerie cérébrale nous permet de l’observer également chez le singe, le chien et même le rat. Cela tiens au fonctionnement du cerveau (quelques soit l’espèce). Un neurone est relié à plusieurs autres, eux-même reliés à plusieurs autres et ainsi de suite. Avec ce type de ‟machinerie” l’arborescence est plutôt la règle. La réponse linéaire unique demande un travail de mémorisation ou de raisonnement. Si je vous dit A, B, C, D, ... si vous êtes normalement intelligent la réponse unique qui s’est imposé dans votre tête c’est E. Si vous avez pensé simultanément Vendredi, Rouge et 75 ce n’est pas une preuve d’intelligence supérieure. Éventuellement le signe d’un grand déficit d’attention ?!
Si au moment où je vous dit ‟banane” vous viens simultanément les vagues pensées de ‟jaune”, ‟fruit” et ‟singe” ça n’a rien d’exceptionnel.
Si au moment où je vous dit ‟banane” vous viens simultanément les pensées :
jaune” qui appel en même temps ‟rouge”, ‟vert”, ‟couleur”,
ainsi que ‟fruit” qui appel simultanément ‟légume”, ‟arbre”, ‟aliment”,
mais aussi ‟singe” qui appel à son tour ‟poilu”, ‟marron” et ‟cage”. Et tout ceci simultanément juste à l’évocation du mot ‟banane”, là personnellement ça me semblerais plus singulier !
Avec mes exemples, pourtant simplistes, on commence à avoir une définition qui permettrait éventuellement d’établir certains critères et pourquoi pas une échelle d’évaluation.
Malheureusement ça l’auteur ne le fait absolument pas, sa notion d’arborescence reste flou et incertaine. De sorte que l’on ne sait pas vraiment si l’on fait ou non partis de sa définition de pensée en arborescence, si ce n’est qu’elle ne cessera de nous répéter ‟vous fonctionnez comme ça”.
Et comme pour tout ce qui est flou et incertain, on peut y voir ce que l’on veut.
Par exemple si vous peinez à vous exprimez et à mettre de l’ordre dans vos idées : c’est parce que votre pensée est une arborescence riche et complexe que le langage, linéaire, ne peut saisir !
Hors s’embourber dans sa propre pensée ne signifie pas nécessairement que celle-ci soit complexe. C’est peut’être juste les mots qui nous manque. Il arrive aussi fréquemment que plusieurs petites portions de raisonnement cohérent au sein d'un ensemble de pensée plus chaotique nous donne la fausse impression que cet ensemble forme un tout cohérent, sauf qu’une fois que l’on cherche à l’expliquer, et donc à le détailler, on tombe sur des contradictions et des incohérences nous révélant ce qu’on a du mal à réaliser : ceci n’est pas (encore) un tout cohérent.

Assez tôt l’auteur discrédite le test de QI. A tord ou à raison ça je ne sais pas.
Mais en faisant cela elle se coupe d’emblée de données chiffrées. Son récit est donc forcément subjectif, ce n’est plus qu’un opinion personnel. Encore une fois tout ceci n’a aucune valeur scientifique, même si ça semble scientifique, est donc par définition c’est de la pseudo-science !
Ignorer les tests de QI présente plusieurs avantages pour sa thèse. Cela permet d’ignorer les études qui ne vont pas dans son sens. Elle peut ainsi reprendre le cliché du surdoué en échec scolaire même si d’après les statistiques les enfants avec un QI élevés ont 30% de chance de mieux réussir à l’école et de faire de grandes études. Et aussi (mais j’ai perdu les chiffres) d’obtenir un meilleur emploi et d’être dans la classe social ‟haute”.
Elle peut aussi ignorer les études comparant les aptitudes des enfants surdoué aux autres. Comme celle dans laquelle il a était observé que les surdoués n’utilise pas plus leur hémisphère droit que le gauche, au contraire il semblerait qu’ils utilisent plus souvent les deux simultanément à part égal par rapport aux enfants normaux.
Ou encore celle qui voulait comparer la capacité à avoir plusieurs idées à partir d’une seule (sa fameuse arborescence). Pour celle-ci un dessin était à peine esquisser, les enfants devaient imaginer plusieurs façons différentes de le terminer. Les surdoués en trouvaient en moyenne un peu plus que les enfants normaux, mais détail important pour le sujet qui nous occupe : les normaux aussi en trouver plusieurs ! Contrairement à ce qu’elle prétends ‟l’arborescence” n’est pas l’apanage exclusif des surdoués.
( D’une manière générale ces études ont montrer qu’il n’y avait pas un critère unique et récurrent qui soit meilleurs chez les enfants surdoués, ils auraient plutôt tendance à être meilleurs dans un petit peu tout les domaines à la fois (mémorisation, abstraction, représentation dans l’espace, etc). )
Ignorer les test de QI permet également de vous convaincre que vous êtes un surdoué même si vous avez un score normal, ou que vous n’avez pas passé le test, qui de toute façon d’après elle ne sert à rien. Puisqu’il n’y a aucun moyen objectif de savoir on ne peut que s’en tenir à sa bonne parole éclairée !

Plusieurs attributs comportementaux vont être attribué aux surefficients tout au long du livre.
Seulement ces attributs seront contradictoires. Par exemple à un moment ils sont censé être solitaire, à un autre elle dit qu’ils recherche la compagnie,
à un moment ils sont censés être colérique dés que l’on est pas de leur avis mais à un autre ils sont censé être tolérant envers l’opinion d’autrui, etc.
Les humains n’étant pas des machines, qu’il y est des contradictions ne m’étonne pas, l’absence de contradiction aurait été plus étonnante. Cependant le livre est censé définir une catégorie de fonctionnement humain. Utiliser des attributs contradictoires n’est pas la façon la plus pertinente de définir une catégorie !
Ce qui m’interpelle également c’est que dans son texte ces contradictions sont systématiquement espacé de plusieurs chapitres.
Soit il s’agit d’une heureuse coïncidence, soit il s’agit d’une dissimulation volontaire. La dernière probabilité me semble plus forte.
Dans un soucis d’honnêteté intellectuelle il m’aurait semblé plus judicieux de mettre les pieds dans le plat en disant ‟effectivement il y a des contradictions mais ... ceci cela” plutôt que de les espacer pour les faire passer en douce.
Et pour définir une catégorie les contradictions ne servent à rien, il faut au contraire identifié des attributs similaires, récurrents, significatifs et que l’on ne retrouve pas en dehors de la catégorie.
Dans une démonstration logique et scientifique ce type de contradictions encombreraient le discours plutôt qu’autre chose. Mais là encore cela présente un intérêt pour la démarche du livre.
En décrivant des attributs contradictoires on s’assure que vous vous reconnaissiez au moins dans la moitié d’entre eux. L’hypersensibilité, l’hyperémotivité, le syndrome d’Asperger et la synesthésie ayant était amalgamé en une seule catégorie si vous vous reconnaissez dans au moins l’une de ses sous-catégorie vous êtes, pour elle, d’emblée affilié à sa catégorie unique des surefficient-neurodroitier. Rajouté à cela quelques attributs passe-partout dans lesquels tout le monde peux se reconnaître à un moment, par exemple le fait de s’inquiéter pour l’avenir ou de se poser des questions existentiels, et Ô mon Dieu ! Mais je me reconnaît dans la majorité de ce qu’elle dit ! ça veut dire que je suis un surdoué ! ... ou que la structure logique qu’elle développe est fallacieuse.
On est typiquement dans un cas d’effet Barnum (-définition sur wikipédia- ). Celui qui pense que ça va le décrire trouvera qu’effectivement ça le décrit de façon trop pertinente pour être faux.
Et pour en rajouter une couche elle précise que les surefficients-neurodroitiers étant tatillon si vous avez l'impression qu'il y a comme un défaut dans ses raisonnements c'est parce que vous en êtes, et c'est aussi parce que vous êtes exceptionnel et génial mais résistez à cette révélation.

Et enfin, le plat de résistance, celui qui est même critiqué dans les critiques élogieuses tellement c’est une caricature absolue : sa description manichéenne des surefficient-neurodroitier contre celle de ceux qu’elles nomment les ‟normopensants”.
Déjà on remarque qu’elle ne va pas en parler tout de suite. Un tout petit peu, de façon encore assez modéré, au début et au milieu du livre. Mais à l’approche de la fin par-contre, le poisson étant déjà bien ferré, elle se lâche !
Les ‟normopensants”, forcément ‟neuro-gaucher”, sont censé ne raisonner que de façon linéaire. Ils sont décrit comme stupide, mesquin, cupide, sans aucune empathie, sans imagination, égoïste, superficiel, (je rajoute rien tout ça c’est dans le texte !), intolérant, pessimiste, facilement enclin à devenir pervers et manipulateur, sans grande moralité, dépourvus : de sensibilité, de doute existentiel, de sens du sacré; et incapable de comprendre à quel point vous ! Vous êtes génial !
Alors attention après tout ça elle se défend de faire une forme de racisme anti-normopensant tout de même. Et elle le dit elle même d’ailleurs : elle a de très bon amis neurogauchers ! (sans rire)
Le surefficient-neurodroitier lui se sera tout l’inverse. Vous donc ! Puisque depuis le premier chapitre elle dit ‟vous fonctionnez comme ça”. Donc vous, vous êtes exceptionnel et génial, surdoué, créatif, empathique, altruiste, capable de vous émerveillé d’un rien (à moins que vous n’ayez été polluer par la sale mentalité des normopensants), plein d’amour, d’empathie, de tolérance, d’idée nouvelles et merveilleuse etc etc ... Ah et puis aussi vous avez potentiellement des capacités de clairvoyance, de télépathie, des faciliter à entrer dans des états extatiques de paix et d’amour pur, sensation de communion avec la nature, prémonitions et parfois plus : capacité à percevoir les auras, à ressentir des présences occultes, à se souvenir de vies antérieures… (j’invente rien j’ai fait un copier-coller)
Naturellement face à la médiocrité de pensée des normopensants vous êtes invité à apprendre à reconnaître qui est quoi afin de vous entourés préférentiellement de surefficient-neurodroitier. Les normopensants étant incapable de comprendre toute la richesse de votre pensée il est préférable de s’en tenir à leur égard à des échanges de banalité et de fait pragmatique. Ces pauvres bougres étant trop stupides pour comprendre à quel point vous avez raison, en cas de désaccord il vaut mieux ne plus leur parler et les considérer avec pitié.
Je pense que là, on a cesser de fleurter avec la limite du comportement sectaire et que l’on a fraîchement mis le pied dedans.


Pour conclure ce livre n’est finalement rien d’autre qu’un livre de développement personnel.
Déjà en soi je n’aime pas bien ça. Il m’apparaît comme évident que l’on ne peut convaincre qui que ce soit que ‟Youpi la vie est belle” sans lui faire gobé un paquet d’ineptie au préalable et nier bon nombre d’évidences.
Cependant j’ai quand même déjà lus des livres de développement personnel où il m’a semblé que l’auteur était ‟de bonne foi”, mais ce n’est pas le cas ici. Toute l’organisation du bouquin me fait penser qu’il y a une volonté de tromper le lecteur.
Non seulement ce livre est du développement personnel trompeur mais en plus de la pire catégorie qui soit : de la pseudo-science.
Ça parle d’hémisphère cérébrale, d’ocytocine, de sérotonine, ça semble scientifique on se dit que c’est donc probablement vérifier et digne de confiance. On baisse sa garde et on gobe ...
Ce type de bouquin fonctionne bien car pas mal de monde pourra facilement s’y reconnaître et se convaincre avec délectation que ‟Houa ! Je suis exceptionnel !”, ça flatte l’Ego. Ce qui explique le succès de cette mode et le fait que de plus en plus de gens se crois surdoué-neurodroitier-etc. A tel point qu’on peut se demander pourquoi ils parlent encore de minorité ?
Maintenant pris isolement il y a quelques anecdotes intéressantes. Comme par exemple l’idée que l’on critique chez les autres se que 
l’on s’interdit à soi.
Mais je pense plus particulièrement à certaines considérations qui s’appliquent en faites à ceux qui ont une tendance à avoir une pensée de type ‟ruminante” (le terme clinique c’est ‟obsessionnelle”, sauf qu’avoir une tendance aux pensées obsessionnelles ne signifie pas être surdoué, neurodroitier, etc). Par exemple, même si elle le dit plutôt de façon indirect, l'idée que la rumination n’est pas nécessairement mauvaise, en parcourant inlassablement un raisonnement en boucle on en arrive à obtenir une meilleur vue d’ensemble et à en dégager progressivement les différentes hypothèses et applications, ce qui a ses avantages. Le soucis apparait lorsque cette tendance naturelle n’a pas ‟de grain à moudre”. Comme le hamster dans sa cage qui va tourner en rond dans sa roue parce qu’il a besoin d’exercice, si la rumination n’a pas de sujet à parcourir elle va s’attacher à des pensées inquiétantes et anxiogènes (ce qui ne veut pas dire que toutes les personnes anxieuses soit de type ‟obsessionnel” ni qu’il ne puisse pas y avoir un trouble psychologique à l’origine de cette tendance). Et donc partant de là, pour ce type de personne, effectivement vivre en leger surmenage et/ou trouvé des activités et sujets qui occupe la rumination de façon constructive permet d’esquiver une part de la rumination anxieuse.
Idem avec quelques considérations concernant les gens hyperémotif.
Cependant elle n’a rien inventé ! Ces anecdotes peuvent se trouver dans plusieurs autres ouvrages psychologiques autrement plus sérieux que celui-ci. Elle les a juste repris et fondu avec tout un tas d’inepties trompeuses pour en sortir un modèle ultra-simpliste, facile à avaler, scientifiquement faux, et qui flattera votre Ego. Il serait dommage de se taper toute sa propagande élitiste juste pour quelques fragments intelligents qu’elle a repiqué à d’autre !

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